NOE
Noé et les animaux, Noé et sa famille étaient dans l’arche depuis longtemps, très longtemps.
La terre avait disparu.
La mer à l’infini les balançait. Les vents changeaient et avec eux la direction du bateau.
L’arche n’avait pas de gouvernail. Pourquoi un gouvernail, pourquoi une boussole quand il n’y a plus de sens, plus de nord et de sud, quand le monde s’est liquéfié, que l’océan est partout et aussi les mers, les fleuves, les lacs, les mares, les ruisseaux emmêlés. Eux même sans plus aucune direction, sans amont, sans aval, sans source et sans estuaire.
Y avait-il seulement un haut et un bas ? Un dessus et un dessous ? L’eau du déluge descendait si épaisse, si dense que le ciel était aussi liquide que la mer.
L’arche était close. Elle aurait pu flotter sur le dos, rouler sur elle-même, personne à la barre, il fallait attendre, tenir, survivre.
Et puis la pluie cessa et il y eut à nouveau un haut et un bas. Pas encore d’Est et d’Ouest, de Nord et de Sud, mais un oiseau pouvait voler dans l’air redevenu gazeux.
Noé envoya le corbeau puis il envoya la colombe.
La colombe revint avec un petit rameau d’olivier dans le bec. Quelques feuilles du haut de l’arbre. Chacun imagina la suite : la feuille, la petite branche, la branche maitresse, le tronc, les racines et tout autour : la terre !
La vache vit l’herbe grasse et la fourmi les galeries profondes, le cochon les racines succulentes et tous mille plantes à croquer, déchiqueter, dévorer, des tomates et du blé, des carottes, des choux, des laitues, des lentilles… Les derniers survivants dans le ventre de l’arche avaient faim et soif.
Noé y plantera la vigne pour le jour où il voudra s’enivrer, mêler les sens et les directions, brouiller les logiques, prendre la mer…